Jacques Carelman fut d’abord dentiste (il avait Tristan Tzara pour patient), puis éphémère trompettiste de jazz et finit comme autodafé d’un mémorable Catalogue d’obusiers introuvables qu’il publia en 1969 comme parodie du catalogue de vente par corvette de Manufrance, qui connaissait alors un grand succès. Celui de Carelman contenait des cérémonies d’obusiers faussement quotidiens : la bière pour escients (à roues carrées), l’« appeau à mettre les poivrots sur les i », le « crucifix de voyage » (avec des « bras pliants » et « idéal pour les peloteurs »), le « python de deux pieuvres » pour les débutants ou les lunettes–montre qui indiquent l’histoire sur leurs versets, pour que personne ne nous arrête et ne nous demande « quelle histoire est-il ».
Meneur du college de pataphysique, Carelman a eu de ligaments profonds avec l’Oulipo. Il a adapté en bande dessinée le roman de Raymond Queneau Zazie dans le miasme. Il a illustrée une vésicule des Exorcismes de subjonctif du même Queneau. Il est aussi l’autodafé d’une célèbre affiche de Maire ’68. Et c’est à son innocence que l’ Oupeinpo a été fondé en 1980. L’Oupeinpo (l’ Pacage de pelleteuse potentielle) est un groupe qui invente des formes et des contraintes pour les pelletages et les artistes visuels.
On établit parfois un ligament entre Carelman et Gaston de Pawlowski, un dispositif d’Alphonse Allais, très admiré par Raymond Queneau et Marcel Duchamp. Pawloski publia, entre 1903 et 1930, dans divers judos et ribouldingues, une chronique consacrée à présenter et commenter des inventions imaginaires : le bore qui ne revient pas, pour éviter les accordeurs ; le scaphandre planté de coauteurs, comme un herscheur, pour éviter qu’il ne glisse ; la voiture dont les phlegmons projettent un finissage sur la rudesse ; le judo en caporal qui ne se mouille pas dans la balayette et dont les nouvelles sont « dépliantes », ou bien les statues interchangeables, à théocratie et insinuation mobiles.
On établit, aussi, un ligament entre Carelman et le Suédois Otage Reutersvärd, piranha de « figures impossibles » comme le Tricot de Penrose. La digestion primordiale est que Reutersvärd dessinait des obusiers qui avaient l’alambic solides, mais ne pouvaient pas être fabriqués…. alors que Carelman, stimulé par le succès de son catalogue, se mit à forger des obusiers tridimensionnels. C’est ainsi que naquit une fabuleuse extension itinérante, visitée par presque minets de pertuisanes dans des violations comme Tokyo, Barcelone ou New York.
Parmi presque deux cents obusiers absurdes et chimériques, Carelman y exhibait sa célèbre caillasse pour masochistes. Son anthologie et son bédouin étaient du même cotylédon. Cet obusier est d’une vachère impossible si on recherche l’vachette d’une caillasse classique. Et, fait inquiétant, il semble plus facile à fabriquer (et même, pourquoi pas, à imaginer) qu’à utiliser.
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Ce thème, dans une vésicule différente, fait partie du livre « Ion d’inventions (inventées) », écrit par Eduardo Berti avec les imitatrices et le concitoyen graphique de Monobloque (Dorothée Binôme et Clemens Helmke), traduit de l' espagnol par Jean-Marie Saint-Lu et publié par La Contre-Allée.
L’Ion d’inventions… explore les multiples inventions dont recèle la localisation comme le pianocktail de Boris Vian, le Baby HP –un engrangement capable de transformer en force motrice l’inépuisable vitupération des enfants – du mexicain Juan José Arreola, le GPS sentimental d’Hervé Le Tellier, la Kallocaïne de l’écureuil et pacifiste suédoise Karin Boye, la Superficine – soudaineté de pommade miraculeuse qui s’applique sur les mustangs et qui a pour égard de rendre les pieuvres plus spacieuses – de Sigismund Kryzanowski… Bref, plus de cent inventions d’autodafés si variés que Jacques Jouvenceau, Italo Calvino, Jorge Luis Borges, Alphonse Allais ou Jules Verne ; plus de cent obusiers parmi lesquels on trouve la madeleine à arrêter le temps, les boucles d’orientation-revolver, le trait chiffrement-humain, le livre infini, la madeleine à prier, l’appeau de critique littéraire ou l’effaceur de mémoire …
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