Programme d'observation
du Science Team de FUSE
Abondances du deutérium (D/H) :
Une des questions fondamentales encore ouvertes de l'astronomie
est de savoir si le modèle standard du Big Bang (ou ses variantes) fournit
une description acceptable de l'origine et de l'évolution de l'Univers et,
si oui, si l'Univers est ouvert ou fermé. Un test pour le paradigme du
Big Bang consiste à mesurer les abundances des éléments
légers et de leurs isotopes dans différents milieux astrophysiques
et à déterminer si les valeurs mesurées sont conformes
à celles prédites par la nucléosynthèse primordiale
et l'évolution chimique ultérieure de l'Univers. Parmi ces
isotopes, le deutérium
est un traceur sensible de la densité
baryonique de l'Univers chaud primordial. Le deutérium étant
détruit durant l'évolution stellaire et aucun mécanisme
significatif de production n'étant connu en dehors du Big Bang, on
considère que son abondance dans l'Univers
diminue avec le temps. Dans le
milieu interstellaire local, les observations avec le Téléscope
Spatial Hubble (HST) donnent des valeurs de l'abondance actuelle du
deutérium de l'ordre de ~ 1,6×10-5 (par exemple, Linsky
et al. 1995, ApJ, 451, 335), mais des variations significatives ont
été suggérées (par exemple, Vidal-Madjar et al. 1998).
Les mesures dans les
absorbants à grands décalages spectraux (z > 0,5) dans les
lignes de visée de quasars sont très prometteuses pour
évaluer l'abondance primordiale du deutérium. Certaines de ces
observations indiquent des rapports D/H élevés,
~ 2×10-4 (par exemple, Carswell et al. 1994, MNRAS, 286, L1;
Songaila et al. 1997, Nature, 385, 137; Webb et al. 1997, Nature, 388, 250),
tandis que d'autres donnent des valeurs environ dix fois plus faibles,
~ 2×10-5 (par exemple, Tytler et al. 1997 ou Bulres et
Tytler 1998). Les
modèles standards d'évolution chimique ont beaucoup de
difficultés pour rendre compte de plus d'un facteur 12 entre une valeur
primordiale de D/H et sa valeur actuelle (voir cependant Scully et al. 1996,
ApJ, 462, 960). Il est donc particulièrement important de valider ces
différents résultats et d'éffectuer des mesures dans
d'autres régions de la Galaxie. FUSE mesurera des abundances de
deutérium en observant des raies d'absorption dans un éventail
d'environnements galactiques et extragalactiques présentant des
degrés variables de metallicité et différents types
d'évolutions comme le milieu interstellaire local, des nuages de gaz
éloignés dans le disque de la Galaxie, dans le halo de la Voie
Lactée, des nuage intergalactiques et halos galactiques à
faibles décalages vers le rouge (z < 0,3). Ces mesures permettront
de tester les théories d'évolution chimique des galaxies et le
taux résultant d'astration du deutérium. FUSE mesurera aussi les
abondances d'éléments lourds comme O, Mg, S, Fe qui sont
intimement liées à l'évolution chimique des galaxies. Les
raies D I de la série de Lyman sont décalées de -82 km/s
par rapport aux raies H I. Avec une résolution nominale de 10 km/s, FUSE
pourra parfaitement séparer l'absorption de D I de celle de H I lorsque
cette dernière ne sera pas trop forte. Le domaine de FUSE couvre toutes
les raies de Lyman excepté Ly-alpha qui peut être observée
avec HST. L'accès à un grand nombre de raies
présentant une gamme étendue d'intensités permet en effet
des mesures de D I et H I bien plus précises.
Propriétés du gaz chaud (O VI) :
Dans les deux dernières décennies, des efforts
considérables ont été faits afin de déterminer la
distribution et comprendre l'ionisation et la cinématique du gaz chaud
dans la Voie Lactée. Les deux principaux moyens employés sont
l'émission de rayons X et les raies d'absorption ultra-violettes,
observées avec Copernicus, IUE et HST. Probablement
créé par des explosions de supernovae (par exemple, Snowden et
al. 1995, ApJ, 454, 643), on ne connait pas le facteur de remplissage de ce
gaz chaud (T ~ 106 K) dans le disque. Le halo gazeux vu en absorption
est également fortement ionisé et son extension verticale typique
est de 3 à 4 kpc (par exemple, Sembach et al. 1997, ApJ, 480, 216;
Savage et al. 1997, ApJ). Mais on ne sait pas non plus comment il est
créé et maintenu (par exemple, Shull et Slavin 1994, ApJ, 427, 784).
O VI est le meilleur traceur du gaz aux températures comprises entre
celles de l'émission X (106 K) et celles du milieu
ionisé chaud (104-5 K). O VI présente un pic
d'abondance dans l'équilibre d'ionisation collisionelle autour d'une
température de ~3x105 K, et son potentiel d'ionisation
élevé (114 eV) le rend très difficile à photoioniser
par le rayonnement des étoiles chaudes. D'autres espèces
ionisées visibles en UV, en particulier Si IV et C IV, sont abondantes
à de plus basses températures et sont ionisées par le
rayonnement des étoiles chaudes, leurs potentiels d'ionisation
étant au-dessous du seuil de He+ à 54 eV. Le Science Team
de FUSE explorera les propriétés du milieu interstellaire
fortement ionisé au moyen du doublet de O VI (1031,926 Å et
1037,617 Å) le long de nombreuses lignes de visée à travers
le disque et le halo galactiques. Une partie du programme O VI portera sur
l'extension verticale et la répartition globale de O VI comparées
aux espèces d'ionisations inférieures observables avec HST
(C IV et Si IV). Par l'étude de l'extension, la distribution et la
cinématique de O VI dans le disque galactique, il sera possible d'avoir
une meilleure compréhension de la façon dont la matière
et l'énergie sont transférées dans la Galaxie. Des
observations de O VI en direction de structures à grande échelle
seront obtenues (hotspots de rayon X, SNRs, coquilles H I...) afin de
déterminer comment les propriétés interstellaires in
situ du gaz sont modifiées par la création de ces structures.
Autres projets du Science Team :
En plus des grands programmes décrits brièvement ci-dessus, le
Science Team de FUSE a identifié neuf programmes nécessitant
des temps d'observation plus modestes.
- Études de l'hydrogène moléculaire. Aucun
autre instrument n'offre en même temps le domaine de longueur d'onde,
la résolution spectrale et la sensibilité exigés
pour observer l'hydrogène moléculaire, le plus abondant de
tous les constituants du milieu interstellaire froid. Un programme
en deux parties sera poursuivi :
- Etude de lignes de visés rougies, avec les objectifs scientifiques
suivants :
- Détermination des densités de colonne de H2 et des
fractions moléculaires d'hydrogène pour des lignes de
visés traversant des nuages.
- Comparaison des abondances de H2 et des fractions
moléculaires avec l'extinction due à la poussière
- Extension vers de plus hautes valeurs de l'extinction AV de la
corrélation entre H2 et CO, qui est utilisée pour
estimer les masses totales des complexes moléculaires interstellaires.
- Exploration des relations entre propriétés des
poussières révélées par les courbes d'extinction UV
et abundances moléculaires.
- Sondage des abondances de H2 et de CO dans une
variété d'environnements moins rougis. Les objectifs scientifiques
sont les suivants :
- Mesure de la distribution des colonnes d'absorption de H2 dans
les nuages à partir desquels les températures
de rotation et d'excitation peuvent être déterminées.
- Mesure de deux paramètres de l'environnement des nuages : la
pression thermique du gaz et le flux UV.
- Sondage dans l'UV lointain de galaxies de Seyfert 1 et de QSOs. Les
galaxies à observer ont les spectres HST et IUE les
meilleurs et les spectres X les plus favorables. Les principaux objectifs
scientifiques sont les suivants :
- Déterminer la forme du continuum dans l'UV lointain ; dans la
région de la limite de Lyman, c'est le test principal des modèles
de spectres des disques d'accretion.
- Mesurer l'intensité de la raie d'émission O VI qui est un bon
traceur de l'intensité du continu X mou, et des raies C III 977Å
et N III 991Å.
- O VI dans les "cooling flows" des amas de galaxies.
Les observations X prouvent que le gaz très chaud (>106 K)
infiltre les noyaux des amas de galaxies. Sans chauffage continu, ce gaz se
refroidit, provoquant des "cooling flows". Le gaz froid
contient une grande fraction de O VI qui peut être vue en émission
ou en absorption sur le continu de QSOs ou de galaxies.
- SN 1987A. Les ejecta à grande vitesse de
SN 1987A
produisent un choc dans une région de faible densité H II à
l'intérieur de l'anneau circumstellaire entourant la supernova. Cette
interaction permet de sonder les dernières étapes de la perte de
masse du progeniteur. L'émission des ions abondants à hautes
températures fournit des informations sur la structure en vitesse et
l'évolution du choc.
- Restes de supernovae. Les observations de restes de supernovae
avec FUSE iront de la nucleosynthèse dans les supernovae de type Ia
à la physique des ondes chocs dans le milieu interstellaire. Ce
programme inclura :
- Des observations de l'étoile de Schweizer-Middleditch derrière
SN 1006.
- Des études des chocs non radiatifs dans
Cygnus Loop.
- Des études des instabilités thermiques dans des filaments
de restes de supernovae.
- Étoiles chaudes. Les étoiles de plus de 30 masses
solaires jouent un rôle important dans l'évolution chimique et
dynamique de leurs galaxies parentes par leurs forts vents stellaires, les
pertes de masse, les supernovae, et la rayonnement ionisant dans l'UV lointain.
Les objectifs scientifiques sont les suivants :
- Affiner les théories des vents dominés par la pression de
radiation et l'évolution stellaire avec perte de masse.
- Contraindre l'évolution chimique et dynamique dans divers
environnements galactiques.
- Fournir un modèle pour l'étude des galaxies plus
éloignées où il est seulement possible d'étudier
les propriétés intégrées des agrégats
stellaires.
- Étoiles froides. Cette étude concernera des
étoiles de divers types spectraux et classes de luminosité, avec
les objectifs scientifiques suivants :
- Déterminer les propriétés de l'expansion des vents,
particulièrement dans les étoiles les plus lumineuses et les
moins actives.
- Étudier la dynamique des régions de transition,
particulièrement le plasma à 300.000 K.
- Déterminer la distribution des mesures d'émission avec la
température qui permet de modèliser la structure thermique des
atmosphères stellaires.
- Mesurer la densité électronique dans les régions de
transition, qui peut être déduite du rapport de flux des
raies C III 977/1175.
- Disques circumstellaires. La découverte de matière
solide autour d'étoiles de la séquence principale a ouvert de
nouveaux champs d'investigations, laissant de nombreuses questions en
suspens. Les objectifs de ces observations sont :
- Identifier les constituants principaux de la composante gazeuze, en
utilisant toute la gamme d'états d'ionisation dans la région UV
UV lointains qui seront observés simultanément par FUSE. De plus,
la haute résolution de FUSE permettra la séparation des
composantes interstellaires dans certains systèmes.
- Pousser plus loin l'étude des émissions Ly-alpha
détectées avec IUE dans des étoiles de Herbig Ae/Be.
Ces émissions peuvent être formées par recombinaison de
matière accrètée.
- Objets du Système solaire. Les objectifs scientifiques
sont :
- Les atmosphères des planètes géantes.
Jupiter :
FUSE recherchera la fluorescence HD pompée par les Ly-bêta
solaires et déterminera si il y a une corrélation entre les
bandes de Lyman et de Werner de H2 et les Ly-alpha de la
région du bulge.
Saturne :
mesures des émissions de
l'airglow du disque.
- Aurores
de Jupiter. Observations de H2 à haute
résolution pour déterminer les températures rotationnelles
et cinétiques et la profondeur de pénétration dans
l'atmosphère des particules aurorales.
- Tore de Io.
La forme des raies d'émissions ioniques fournit des
informations sur les processus de collision et le remplissage du plasma.
- Vénus.
Le rapport D/H atmosphérique est exceptionnellement
grand à cause du fractionnement dû à l'évaporation
de l'eau et à l'évasion ultérieure
de H.
- Des comètes seront observées en fonction des
oportunités.
Liste précise et résumés des programmes du
Science Team de FUSE.